Une importante communauté albanaise vit actuellement en Croatie.
Originaires de différentes zones de l’espace albanophone, ils sont
ministres, sportifs, aviateurs ou boulangers. Quel que soit leur statut
social, ils ont tous à cœur leur identité albanaise, tâchent d’en
préserver les traditions et de conserver des liens avec leur région
d’origine. Reportage.
Une importante communauté albanaise vit actuellement en Croatie.
Elle compte près de 35 à 40.000 Albanais venant d’Albanie, du Kosovo et
de Macédoine, qui se sont installés un peu partout dans le pays. Ils se
considèrent tous comme Albanais, bien qu’originaires de différentes
régions de l’espace albanophone.
Cette communauté albanaise apparaît très organisée, en divers
groupes et associations culturels ou artistiques. La majorité de ses
membres vit dans la capitale, Zagreb, mais les Albanais sont aussi
présents dans d’autres villes comme Pula, ou encore dans les villes
frontalières de l’Italie. Dans notre parcours à travers les villes
croates, nous avons rencontré un bon nombre d’entre eux. Ils sont entre
5.000 et 7.000 à vivre à Zagreb, et 3.300 d’entre eux jouissent du
droit de vote.
Božidar KalmetaPellumb Qazimi, ambassadeur d’Albanie à Zagreb, est fier de ses
compatriotes : « Les Albanais de Croatie sont des citoyens dignes,
travailleurs, qui respectent la loi et qui se sont bien intégrés dans
la société croate », nous confie-t-il. Il nous informe aussi de la
présence, presque inconnue par l’opinion, d’une très vieille communauté
albanaise (arbanas), à une dizaine de kilomètres de Zagreb. Ses membres
sont arrivés dans la région au XIXe siècle, et, en constituant une
communauté très soudée, ils ont su préserver les traditions de leurs
ancêtres. L’académicien et historien notoire Alexander Stipčević vient
de cette même communauté, et est aujourd’hui le président de
l’Association Croatie-Albanie. Le ministre croate des Transports,
Božidar Kalmeta, dont le nom de famille traduit ses origines de la
ville de Kallmet, près de Lezha, en Albanie, appartient à la même
communauté. Le ministre a même décidé de baptiser du nom de la région
de ses ancêtres le nouveau segment d’autoroute qui relie les villes de
Split et de Zagreb.
Les émigrants albanais de Croatie, venant du Kosovo et de Macédoine,
ont aussi leurs représentants dans les univers artistique, culturel,
-cinématographique, intellectuel ou sportif. Le nom du danseur
classique Ilir Kerni est connu et respecté dans tout le monde
artistique croate. Les Albanais de Croatie publient deux périodiques,
en langue albanaise et croate, entre autres nombreuses publications.
Une communauté bien intégrée, dont la présence favorise l’entente entre la Croatie et l’Albanie« La communauté albanaise joue un rôle indispensable dans les
rapports entre nos pays. Sa contribution, la reconnaissance et le
respect dont jouissent les Albanais en Croatie encouragent la
collaboration amicale entre nos deux peuples », affirme l’ambassadeur
d’Albanie. Comme l’affirme la définition officielle croate, les
Albanais croates constituent une minorité nationale, à laquelle la loi
permet de s’organiser et d’être financée par le gouvernement. À Zagreb,
la minorité albanaise possède son conseil, et ses élus collaborent avec
le Conseil municipal sur toutes sortes de questions. Vedat Zogujani,
membre du conseil, précise que cette manière de fonctionner est très
opérante, et reflète le degré d’intégration de la minorité albanaise
dans la société locale. Il est aussi secrétaire de l’Association
culturelle albanaise « L’étincelle », située à Zagreb, qui organise
divers événements culturels, dont la fête de l’Indépendance, qui
rassemble tous les 28 novembre près de 3.000 Albanais dans la grande
salle « Globus », à la Foire de Zagreb.
À partir de 2009, une autre date commémorative s’ajoutera à
celle-ci, le 17 février, jour de la proclamation de l’Indépendance du
Kosovo. Vedat Zogujani nous raconte que l’association qu’il dirige
participe également aux manifestations folkloriques organisées par le
Bureau des minorités nationales et aux activités sportives. Pendant
notre séjour à Zagreb, la communauté albanaise commémorait, lors d’une
cérémonie, le retour à Gjilan [Kosovo] des dépouilles des deux
combattants albanais tombés dans une bataille opposant les armées
croates et serbes, le 13 octobre 1991, à Gospić. Vedat Zogujani est
quant à lui un ancien athlète renommé des équipes « Mladost » et
« Dinamo » de Zagreb, et a été à cinq reprises champion de Croatie
entre 1984 et 1990, en 5.000 et 10.000 mètres. Il a aussi participé, en
tant qu’athlète de l’équipe nationale d’athlétisme de l’ancienne
Yougoslavie, à la course de 12 km de Sao Paolo, en 1977, où il est
arrivé parmi les premiers.
Il nous raconte aussi qu’à Zagreb, ils sont presque 1.300 Albanais à
avoir entrepris un commerce, dont certains dans la fabrication du pain.
Selon lui, en effet, le secteur de la boulangerie est désormais dominé
par les Albanais dans la capitale croate, mais aussi à Pula. Dans la
zone touristique de Medulin, 80% des bars et restaurants sont tenus par
des Albanais. Antonio fait partie de ces entrepreneurs. Son restaurant
est parmi les meilleurs de la zone. Tonio, 38 ans, originaire de
Gjakovë, vit ici depuis une quinzaine d’années, et travaille avec son
épouse et ses trois frères. Son restaurant est devenu un point de
ralliement pour les Albanais de la ville et de la région.
Une minorité fidèle à ses traditionsNous y avons trouvé plusieurs Albanais le soir même, comme Shaqir
Hoti, 63 ans, aviateur ayant peu à peu gravi les échelons dans
l’aéronautique. Puis, nous avons rencontré Idris Sulejman, un des
Albanais les plus connus de la Préfecture d’Istrie, dont l’ambassadeur
d’Albanie nous avait évoqué la contribution patriotique. Il habite à 70
km du restaurant d’Antonio, mais s’y rend souvent avec son épouse pour
y passer quelques heures. À 53 ans, le vice-président de la communauté
albanaise de la Préfecture d’Istrie paraît très jeune. Il est venu ici
dans les années 1990, de Tetovo [Macédoine], et a construit dans cette
zone côtière sa vie familiale et professionnelle : notamment deux
restaurants. Mais il n’oublie pas les valeurs du patriotisme.
« Nous ne devons oublier à aucun moment que nous sommes albanais, et
nous devons en être fiers », affirme Sulejmani. Avec sa jeune épouse,
une Croate qui apprend l’albanais, ils veulent aller plus souvent en
Albanie, où ils ont beaucoup d’amis. « Les Albanais sont travailleurs
et se donnent de la peine pour faire marcher leurs affaires. Ils ont
vécu les évolutions de la Croatie et y ont contribué. Ce sont eux qui
ont permis de transmettre, dignement et civilement, la joie de
l’indépendance du Kosovo, ainsi que des messages donnant en exemple
l’harmonie des rapports entre Croates et citoyens des autres
minorités », explique l’ambassadeur albanais Pëllumb Qazimi.
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