Le 44ème Président des Etats-Unis n’a pas de temps à
perdre. Avec Hillary Clinton au département d’Etat et Robert Gates à la
Défense, Barack Obama a déjà quasiment bouclé son cabinet, avec presque
deux mois d’avance sur son investiture, qui aura lieu le 20 janvier, à
Washington, en présence de la chanteuse américaine Beyoncé, du rappeur
Jay-Z et de Leona Lewis. En 1992, Bill Clinton n’avait pas procédé à sa
première nomination avant décembre. Mais c’est à un autre ancien
Président que fait penser aujourd’hui Barack Obama, à moins de 50 jours
de son intronisation officielle à la Maison Blanche. Même s’il préfère
souvent s’inspirer du fils de fermiers quakers, Abraham Lincoln, _pour
son éloquence et son esprit d’ouverture_, c’est évidemment à Franklin
Delano Roosevelt, le père du New Deal, que fait songer Obama. D’abord
parce que nous sommes en période de profonde récession, mais aussi
parce que, hormis le cas unique de JFK, seul le 32ème Président des
Etats-Unis peut être comparé au 44ème en termes de charisme et
d’expectatives. Le magazine « Time » ne s’y est d’ailleurs pas trompé
en faisant récemment sa couverture sur un Obama au sourire rayonnant
déguisé en Franklin Roosevelt, saluant la foule, à l’arrière de sa
limousine d’époque.
Barack Obama a confessé lui-même, lors de sa première interview à
l’émission 60 Minutes de CBS depuis l’élection, s’être plongé dans un
livre sur les 100 Premiers Jours de Roosevelt écrit en 2006 par un
reporter de Newsweek. Le parallèle est troublant. Les deux hommes sont
tous les deux des juristes issus de Harvard, connus pour leur éloquence
et leur sens du verbe, et tous deux ont succédé à des administrations
républicaines en pleine débâcle, avec Herbert Hoover en 32 et Georges
W.Bush aujourd’hui. Comme Roosevelt en 1933, Obama a promis un
vigoureux Plan de relance de 500 à 700 milliards de dollars pour
relancer la croissance et créer 2,5 millions d’emplois d’ici 2011. Il
veut investir dans les infrastructures et les énergies renouvelables.
Ses priorités restent de juguler la crise financière, mais aussi
d’investir dans l’éducation et la santé, tout en lançant son grand Plan
vert d’investissement massif dans les énergies propres. Cela dit, il
n’est pas sûr que l’équipe d’Obama souhaite se forcément se référer au
New Deal de Roosevelt, d’abord parce qu’elle ne souhaite pas déprimer
les Américains en faisant référence à la Grande Dépression de 29, et
aussi parce que le succès du New Deal de Roosevelt a été relatif.
Selon les historiens américains, il n’y a pas de preuve éclatante que
le New Deal ait eu une réelle efficacité dans la lutte contre la crise
qui a duré jusqu’à la veille de la deuxième guerre mondiale. Malgré les
grandes réformes sociales de Roosevelt, il a fallu attendre 1943 pour
que le chômage retombe sous son niveau de 1929. Mais c’est par le ton
de sa voix à la radio, sa voix de velours, la même que celle de Barack
Obama, que Franklin Roosevelt avait rassuré le peuple américain. Il a
fallu attendre le second New Deal, de 1935 à 1938, pour connaître les
grandes réformes structurelles. Certains conseillent à Barack Obama de
s’inspirer de la fameuse formule de Roosevelt dans son discours
d’investiture de 1933 : The only thing we have to fear is fear itself »
(la seule chose que nous ayons à craindre c’est la crainte elle-même).
Mais il reste à savoir de quelle facette de Roosevelt, qui était à la
fois baptisé le Lion et le Renard, il héritera.
« Il n’y a pas de comparaison possible avec la Grande Dépression en
termes de sévérité », a lancé récemment ben Bernanke, le patron de la
Réserve fédérale. Espérons qu’il n’aura pas tort.
Source:Les Echos
Pierre de Gasquet (à New York)