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| Subject: Le débat Obama vs McCain Fri 17 Oct - 11:29 | |
| Aucun candidat ne peut se soustraire facilement au rituel du duel télévisé, réglé de longue date par une commission indépendante.
John McCain sera peut-être bientôt à la tête de la première puissance mondiale, mais cela ne lui donne pas le pouvoir de se soustraire aisément à cet exercice imposé de la démocratie américaine que sont les débats télévisés. Justifiée par la crise financière, mais perçue comme une manœuvre politicienne, sa demande de report du premier des trois face-à-face programmés entre vendredi soir et le 15 octobre a été rejetée sans autre procès par les trois autres parties impliquées : la commission des débats présidentiels, puissance organisatrice, l'Université du Mississippi, qui attend les débatteurs vendredi soir, et son adversaire démocrate Barack Obama. Ces événements quadriennaux sont jugés si importants qu'ils font l'objet d'une procédure rigoureuse laissant peu de place aux interventions des états-majors de campagne. Depuis 1988, une commission indépendante, composée de démocrates et de républicains (on y compte les anciens présidents Carter, Bush et Clinton, mais aussi Caroline Kennedy), a la haute main sur l'organisation. Elle a décidé du lieu des rendez-vous, défini leur format et sélectionné les modérateurs. Elle a publié son cahier des charges pour les villes d'accueil en janvier 2007, un an avant le début des primaires, et désigné les présentateurs en août dernier. Officiellement centré sur la politique étrangère, le premier des trois duels présidentiels ne pourra esquiver la crise des marchés financiers, qui a une dimension internationale évidente. Le camp d'Obama avait demandé d'intervertir les thèmes prévus pour la première et la dernière confrontation qui portera donc sur l'économie et les sujets de société. Vers un record d'audience
Si le premier débat est en général le plus suivi, tous les grands réseaux nationaux (ABC, CBS, NBC, Fox, PBS) et toutes les chaînes d'information continue (CNN, Fox News, MSNBC, C-Span) diffuseront en direct les trois matchs politiques. Vendredi soir, il faudra chercher sur les petites chaînes du câble un épisode de New York police scientifique ou une course de Nascar. Vu les passions suscitées par cette campagne, les «networks» parient que le record d'audience (80,6 millions de téléspectateurs pour le débat Reagan-Carter en 1980) sera battu. Dans une course à la Maison-Blanche aussi serrée et imprévisible, les débats ont le potentiel d'un quitte ou double. Un dérapage, une gaffe, un moment d'hésitation, une expression de mépris ou de suffisance, un éclairage peu flatteur, un angle de caméra défavorable peuvent ternir l'image d'un candidat et entamer ses chances de victoire. La préparation du duel est donc à la hauteur de l'enjeu. Sur le papier, le républicain de 72 ans fait figure de favori dans ce bras de fer. Son agilité, son langage direct, son humour et son sens de l'autodérision en font un redoutable débatteur. Le jeune démocrate, dont la rhétorique est capable d'électriser les foules, manque par comparaison de simplicité, de concision et de sens de la repartie. Conscient de son handicap, Barack Obama a passé le plus clair de son temps, depuis quatre jours, reclus avec ses conseillers dans un «camp d'entraînement» en Floride, du côté de Tampa, une région électorale très convoitée. Il a passé en revue les prestations de son adversaire durant les primaires républicaines, étudiant ses points faibles, en particulier sa tendance à s'emporter et sa propension à provoquer l'adversaire. L'un des proches d'Obama, Greg Craig, ancien conseiller de Clinton, a joué le rôle de McCain dans les répétitions. Plus sûr de lui, le prétendant républicain n'a consacré qu'un minimum de temps à sa préparation avant de «suspendre» sa campagne mercredi. Son entourage a passé en revue les vingt débats des primaires démocrates, sélectionnant des extraits que le sénateur de l'Arizona devait visionner avant d'entrer en scène. La campagne n'a pas dévoilé le nom du sparing partner jouant le rôle d'Obama, ni celui de la personnalité choisie pour préparer Sarah Palin à son affrontement avec Joe Biden. Le colistier d'Obama, lui, s'entraîne avec Jennifer Granholm, gouverneur du Michigan, dans le rôle de Palin. La grande nouveauté instaurée cette année tient au format des échanges : les duellistes vont pouvoir s'interroger et se répondre directement, au lieu de monologues croisés face au modérateur. Selon le plan établi pour vendredi soir à Oxford (Mississippi), Jim Lehrer, de la chaîne publique PBS, posera les questions, Obama et McCain auront deux minutes pour y répondre, puis cinq minutes pour en débattre entre eux, et ainsi de suite pendant 90 minutes. À la demande de McCain, ils s'exprimeront debout derrière des pupitres. Lors du prochain rendez-vous, programmé le 7 octobre à l'Université Belmont de Nashville (Tennessee), ils seront assis sur de hauts tabourets et pourront s'avancer sur la scène pour répondre aux questions du public et des internautes, sélectionnées par Tom Brokaw de NBC. Pour leur troisième passe d'armes, le 15 octobre à l'Université Hofstra de Hempstead (New York), ils seront assis autour d'une table ovale, face à Bob Schiefer de CBS. Un coût de 5,5 millions de dollars
Avec une mise en scène aussi précise, postuler à l'organisation d'un débat s'apparente à une candidature aux Jeux olympiques. Avant d'être à l'honneur, l'Université du Mississippi a déposé un premier dossier en 2004. Elle a dû construire un immeuble adjacent au Ford Center, théâtre du débat, et en remodeler un autre pour accommoder les candidats, leur entourage, les équipes de télévision et les milliers de journalistes accrédités. Selon les directives de la commission, la superficie de l'auditorium doit dépasser 1 500 m², la scène doit mesurer 20 m de large sur 9 m de profondeur, être surélevée de 1,20 m par rapport à la salle, avec 11 m de hauteur sous plafond. La climatisation doit produire 18° sur l'estrade et 20° dans la salle. L'éclairage doit être d'au moins 20 000 watts. Il en a coûté 5,5 millions de dollars à l'université, qui espère équilibrer son budget grâce aux donations privées. Les premiers conseillers d'Obama sont arrivés à Oxford deux semaines avant le débat, ceux de McCain vendredi dernier. Leurs revendications de dernière minute, sur l'angle des projecteurs ou le réglage des caméras, sont portées devant la commission, qui tranche. La semaine dernière, elle a rejeté une requête du camp républicain qui cherchait à interdire tout échange direct entre Joe Biden et Sarah Palin lors du débat des vice-présidents, prévu le 2 octobre à l'Université de Saint-Louis (Missouri). En revanche, elle ne s'opposera pas à ce que John McCain, dont le visage porte la cicatrice d'un mélanome, expose son bon profil aux caméras. Dans l'ensemble, les querelles de logistique ont été insignifiantes. «Je m'attends à quelques changements mineurs, dit Andy Mullins, chargé de la planification sur le campus. Mais la commission nous a dit de ne pas nous en inquiéter. C'est son affaire.» On a tant vu de débats basculer pour un rien que chaque détail compte. En 1960, lors du premier affrontement politique retransmis à la télévision, Richard Nixon avait tellement mauvaise mine, face à un John F. Kennedy bronzé en veste bleue, que sa mère lui avait téléphoné après l'émission pour savoir s'il était malade. Dans la foulée, les débats disparurent du petit écran pendant seize ans. En 1976, une panne de son obligea Gerald Ford et Jimmy Carter à rester immobiles comme deux mannequins de cire pendant une demi-heure. En 1992, George H. W. Bush avait trahi sa lassitude en regardant sa montre. En 2000, Al Gore n'avait pas amélioré son cas en soupirant d'un air condescendant. Plus souvent, c'est le verbe qui fait la différence. En 1984, Ronald Reagan, âgé de 73 ans, avait mis les rieurs de son côté en déclarant : «Je n'ai pas l'intention d'exploiter la jeunesse et l'inexpérience de mon adversaire à des fins politiques.» En 1988, Michael Dukakis était passé pour un intellectuel froid en défendant son opposition à la peine de mort, même dans l'hypothèse du viol et du meurtre de sa femme. En 1980, Carter avait paru léger en avouant qu'il discutait du contrôle des armes nucléaires avec sa fille de 12 ans, Amy. La gaffe suprême revient à Gerald Ford lorsqu'il affirma en 1976 qu'il n'y avait «pas de domination soviétique de l'Europe de l'Est.» À leur tour, Obama et McCain sont condamnés à un sans-faute.
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