La force du KanunParce que je viens de finir un enième livre de Kadaré, et que je n'arrive pas à me défaire de l'idée que je lis une oeuvre d'une portée exceptionnelle...
Avril brisé, d'Ismaïl Kadaré
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Une perle J’ai peur de me répéter et de verser dans le poncif éculé en déclarant une fois de plus qu’Ismaïl Kadaré est l’un des plus grands écrivains en activité, si ce n’est le plus grand.
Et pourtant ! Comment ne pas tomber dans le piège du dithyrambe face à autant de talent, à une lecture si aisée, à des sujets baignés de tous les flots de l’universalité sans jamais lever l’ancre d’une réalité albanaise clairement délimitée.
« Avril brisé », l’un de ses titres les plus célèbres, ne fait pas exception à la règle. Toujours avec Kadaré, je me suis laissé emporter par l’écriture, toujours précise et belle dans sa simplicité (on ne louera jamais assez la qualité de la traduction de Jusuf Vrioni), par l’histoire et sa façon subtile de nous montrer une face de la réalité et de l’histoire albanaise sans jamais verser dans la démonstration ou dans le manuel d’histoire…
Cette fois, il traite du « Kanun », sorte de code d’honneur très complexe de l’Albanie des montagnes, coupable de nombreux sangs versés et de vendettas complexes (on pense parfois à la Corse, mais avec un côté beaucoup plus « institutionnalisé »).
En parallèle, deux histoires, celle de Gjorg, pris dans le tourbillon de la vendetta : obligé de tuer un membre de la famille ennemie, et après une courte trêve, d’être à son tour tué ; et celle de Bessian Vorpsi, écrivain à l’idée un peu romantique sur le Kanun, qui quitte Tirana avec sa jeune femme pour un voyage de noces dans les montagnes sur la piste de ces montagnards rudes et meurtriers. Ils en reviendront changés…
En somme, et je suis encore tombé dans le travers de ne dire que du bien de Kadaré, « Avril brisé » est une perle de plus au collier déjà long de l’œuvre du génie albanais."
D'après Aurel Duka.