L'Etat de Californie investit 3 milliards de dollars dans un laboratoire de développement des cellules souches et la médecine régénérative.
DE NOTRE CORRESPONDANT À PALO ALTO.
Le leadership de la Californie en matière de recherche fondamentale sur les cellules souches prend forme. Quatre ans après le vote historique des électeurs du Golden State - acceptant de financer avec leurs impôts la recherche fondamentale à hauteur de 3 milliards de dollars - l'argent est enfin distribué. Le California Institute for Regenerative Medicine (CIRM), l'institut créé de toutes pièces pour attribuer ces fonds aux projets scientifiques les plus prometteurs, vient en effet d'allouer 271 millions de dollars à une douzaine de laboratoires et universités de l'Etat. Ces fonds seront complétés par des financements privés qui portent à plus d'un milliard de dollars, le montant total des subventions accordées dans le cadre de ces projets.
Et de fait, ceux-ci marquent bien l'acte fondateur de la volonté politique du gouverneur Schwarzenegger, qui compte sur ces trois milliards de dollars pour permettre à la Californie de devenir le leader mondial de la recherche scientifique en matière de cellules souches. Tous les fonds alloués vont servir à construire, souvent de zéro, de nouveaux laboratoires exclusivement destinés à cette discipline. Au total, il s'agit de construire - en deux ans seulement - plus de 74.000 m2 qui seront utilisés par 2.200 chercheurs.
La raison pour laquelle la Californie éprouve le besoin de construire ses propres laboratoires ne tient pas seulement au désir des chercheurs de disposer des équipements les plus modernes. Elle est d'abord politique. Parce que l'Administration Bush a quasiment interdit depuis 2001 le financement public de la recherche impliquant la destruction d'embryons humains, les scientifiques qui veulent travailler sur de tels projets n'ont tout simplement pas le droit d'utiliser même un microscope acheté avec de l'argent gouvernemental...
C'est ainsi qu'à San Francisco, les chercheurs universitaires spécialisés dans les cellules souches ont dû quitter les laboratoires de l'université et louer des laboratoires privés pour poursuivre leurs recherches. Mais sans bénéficier de la même qualité d'équipements que celle dont ils auraient pu bénéficier s'ils avaient pu rester sur place.
D'où la nécessité, à l'échelle de l'Etat, d'investir massivement si cette recherche scientifique veut demeurer compétitive par rapport aux pays étrangers.
Laboratoires ultramodernes
La plus importante somme (plus de 43 millions de dollars) a été allouée à l'université de Stanford qui va construire, sur son campus de Palo Alto, un laboratoire entièrement neuf de quatre étages. Vingt-quatre équipes de chercheurs devraient l'occuper d'ici deux à trois ans, qui étudieront en particulier la façon dont la culture de cellules souches peut permettre de régénérer des tissus endommagés ou détruits par l'âge ou les maladies, cardio-vasculaires en particulier. Au total, ce nouveau Stanford Institute for Stem Cell Biology and Regenerative Medicine coûtera 200 millions de dollars - dont les trois quarts seront donc financés par des fonds privés - sans compter les 25 millions de dollars par an de salaires et de coûts de fonctionnement.
L'UCSF, l'université de Californie à San Francisco, bénéficiera d'une somme légèrement inférieure (35 millions de dollars), pour un projet tout aussi ambitieux. Souhaitant installer son nouveau laboratoire à proximité d'installations existantes mais disposant de très peu de place, l'université a fait appel à un grand cabinet d'architecte new-yorkais, Rafael Vinoly Architects, pour concevoir un laboratoire aux contours irréguliers mais qui épousent la topologie des collines de San Francisco. « L'objectif n'était pas seulement d'exploiter au mieux le faible espace disponible mais aussi de favoriser le travail interdisciplinaire », assure le Dr Arnold Kriegstein, directeur de l'Institute for Regeneration Medicine à l'UCSF.
Ainsi, le bâtiment ultramodulaire de 7.000 m2 - et qui coûtera au total 155 millions de dollars - a été conçu pour permettre aux spécialistes de biologie moléculaire de partager leur espace de recherche avec les docteurs de l'hôpital du campus, qui soignent de vrais malades et qui seront donc les premiers candidats pour tester les traitements expérimentaux. En outre, le laboratoire hébergera des ingénieurs de nombreuses disciplines spécialisés dans la mise au point de nouveaux équipements scientifiques. Ils pourront ainsi bénéficier de la collaboration des scientifiques eux-mêmes.
Environnement sophistiqué
Cet élément pourrait être particulièrement important dans l'efficacité des équipes de recherche car les travaux liés aux cellules souches réclament un environnement et des équipements beaucoup plus sophistiqués que ceux des laboratoires pharmaceutiques classiques. La mise en culture de cellules humaines impose en effet qu'elles ne soient contaminées ni par le personnel ni par aucun autre agent extérieur pouvant exister sans dommage dans d'autres types de laboratoires. D'où l'avantage compétitif que pourraient acquérir ces nouveaux laboratoires californiens dont la construction vient d'être décidée.
Depuis avril 2006, le CIRM a déjà alloué plus de 500 millions de dollars sur les 3 milliards qu'il distribuera au total, principalement à des projets scientifiques hébergés par des universités californiennes. Mais cet effort sans précédent pour construire une douzaine de nouveaux laboratoires à la pointe de l'état de l'art devrait bel et bien être le véritable signal qu'attendaient depuis plusieurs années des centaines de chercheurs du monde entier, spécialisés dans les cellules souches, pour poursuivre leurs efforts sur le territoire du Golden State. Et bénéficier ainsi de cette manne.