Il s'agit d'encourager Raul Castro sur la voie de la démocratie. Les sanctions consistaient à limiter les rencontres bilatérales de haut niveau avec Cuba, et à inviter systématiquement des dissidents cubains lors des réceptions dans les ambassades pour les fêtes nationales.
Les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne ont donné leur feu vert jeudi soir à la levée définitive de leurs sanctions contre le régime cubain, pour encourager les premiers pas de Raul Castro sur le chemin de l'"après Fidel". La levée officielle de ces sanctions, déjà suspendues depuis 2005, devrait être formellement entérinée lundi.
Pour obtenir le soutien des Tchèques, qui se sont montrés jusqu'à la dernière minute réticents à cette décision, l'UE a accepté de donner certaines garanties concernant les droits de l'Homme. "Il y a une condition selon laquelle nous allons examiner chaque année la situation des droits de l'Homme et sur cette base décider si nous continuons ou non notre politique envers Cuba", a insisté le chef de la diplomatie tchèque Karel Schwarzenberg. "Nous nous sommes mis d'accord pour continuer nos contacts avec l'opposition démocratique", a-t-il ajouté. "Donc même si les mesures sont suspendues, la voix avec laquelle nous parlons à Cuba sera plus forte, nous n'avons pas abandonné les droits de l'Homme", s'est-il justifié.
Cela n'a pas empêché les dissidents cubains de condamner la décision européenne. "On doit s'attendre à des choses horribles pour l'opposition. Avant la levée (des sanctions), le gouvernement était déjà incroyablement agressif à notre égard et contre le peuple. Maintenant qu'elles sont levées, son agressivité va décupler", a estimé Martha Beatriz Roque, fer de lance de l'opposition radicale au régime, libérée de prison en 2004.
Une vague d'arrestations de ces mêmes dissidents avait poussé l'UE à adopter en 2003 ces sanctions, qui consistaient à limiter les visites gouvernementales bilatérales de haut niveau et à inviter systématiquement des dissidents cubains dans les ambassades des pays de l'UE lors de la célébration des fêtes nationales.
Mais en faisant le geste surtout symbolique de supprimer les sanctions, les Européens espèrent engager un réel dialogue avec le frère de Fidel pour améliorer la démocratie. "La levée des sanctions nous donnera un moyen plus efficace de nous occuper des droits de l'Homme", a justifié le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères Jean Asselborn. Beaucoup font valoir aussi que les sanctions n'ont guère fait bouger la direction cubaine, qui depuis 2003 n'a libéré, la plupart du temps pour de seules raisons médicales, que 20 des 75 dissidents lourdement condamnés.
"Certains ont vu des changements importants. Mon microscope n'est pas assez puissant pour localiser ces changements particuliers", a commenté jeudi Carl Bildt, le ministre suédois des Affaires étrangères, en critiquant les Cubains pour avoir "claqué la porte au nez" des Européens lorsqu'une offre de dialogue leur a été faite l'an dernier.
L'Espagne, premier pays à avoir normalisé ses relations avec La Havane en 2007 et qui faisait pression depuis des mois pour la levée définitive des sanctions, s'est de son côté réjouie de cette décision. "Cela crée les conditions pour lancer de futures négociations sur un accord d'association entre l'UE et Cuba", a ainsi estimé son ministre des Affaires étrangères Miguel Angel Moratinos, évoquant l'objectif de 2010 pendant la présidence espagnole de l'UE.
La perspective de la levée des sanctions avait provoqué par avance jeudi dans la journée l'hostilité de Washington. "Nous ne sommes pas favorables à ce que l'UE ou qui que ce soit d'autre allège ces sanctions à ce stade", a déclaré un porte-parole du département d'Etat, Tom Casey, dénonçant une décision qui pourrait laisser croire à "un régime dictatorial" que "l'oppression de son peuple est plus acceptable qu'avant". (Source AFP)