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Depuis mai 2007, la direction des sciences du vivant est structurée autour de huit instituts et d'un centre de recherche dédié. |
Le Commissariat à l'énergie atomique veut devenir un acteur de poids dans la recherche médicale et les technologies de santé.
Ce n'est sûrement pas un hasard. Le hasard n'a d'ailleurs pas sa place dans la stratégie du CEA. Le tout puissant Commissariat à l'énergie atomique a choisi de dévoiler sa nouvelle stratégie dans les sciences du vivant en plein milieu de la polémique qui oppose le CNRS et l'Inserm sur ce même terrain.
« Nous avons déjà une force de frappe importante dans cette discipline qui concerne près de 2.500 personnes. Les effectifs de notre centre de Fontenay-aux-Roses vont passer de 300 à 1.500 chercheurs au cours des prochaines années », indique Pierre Legrain directeur des sciences du vivant au CEA.
En fait, le CEA s'intéresse depuis toujours à la biologie et aux sciences du vivant. Au nom d'une logique imparable : pour comprendre l'effet des rayonnements ionisants sur le corps humain, il faut connaître le fonctionnement intime de la cellule humaine. Résultat, grâce à un soutien politique indéfectible et une règle de la Ve République qui veut
« qu'on ne refuse jamais rien au CEA », le centre s'est doté au fil des années d'un savoir-faire pratiquement unique dans le paysage académique français. C'est cette réputation d'efficacité et de bon gestionnaire de l'argent public qui a valu à André Syrota - le prédécesseur de Pierre Legrain - le fauteuil de directeur général de l'Inserm. Dans le cadre de la réorganisation de l'Institut national de la recherche médicale, André Syrota a logiquement confié à ses anciens collègues la responsabilité du développement scientifique et industriel des technologies de santé.
« Notre objectif est de faire sortir trois ou quatre start-up par an en prenant une participation financière dans leur capital », précise Pierre Legrain.
Maladies émergentesParallèlement, le CEA s'est fixé une autre mission nationale : répondre aux demandes urgentes de santé publique. Les maladies émergentes comme le chikungunya, le sida, la grippe aviaire ou les pathologies neurodégénératives font partie de ces priorités.
« Le réchauffement climatique, les déplacements de population, les échanges de marchandise ou la résistance bactérienne due à l'utilisation massive d'antibiotiques sont autant de facteurs qui font apparaître de nouvelles maladies à l'échelle planétaire », indique le CEA.
Pas de doute, le spécialiste du nucléaire a de grandes ambitions biologiques et entend occuper la place laissée libre par le CNRS et l'Inserm, empêtrés dans leurs querelles de frontière. L'Institut des maladies émergentes et des thérapies innovantes (Imeta), créé en 2007, correspond à cette logique pragmatique.
« La perception du risque, et notamment des menaces terroristes, ainsi que le développement technologique font partie des missions du CEA. Nous avons une grande expérience dans la recherche fondamentale, la recherche finalisée et les partenariats avec le milieu industriel », ajoute Philippe Leboulch, un chercheur de renom formé à l'école américaine, et lui-même créateur d'entreprise, qui dirige l'Imeta.
« Nous devons un retour au contribuable », complète Pierre Legrain.
Fort de son soutien politique, le CEA n'hésite pas à étendre le champ de ses compétences, quitte à marcher sur les plates-bandes de ses collègues hexagonaux. La virologie, le développement de nouveaux concepts vaccinaux, les thérapies cellulaires, les cellules souches font partie des axes de développement du futur. Dans toutes ces disciplines en évolution rapide, le CEA souhaite
« proposer des solutions scientifiques et techniques aux pouvoirs publics », selon la formule de Philippe Leboulch. Deux essais cliniques de thérapie génique réalisés dans des hôpitaux parisiens (Necker et Saint-Vincent-de-Paul) confirment cette stratégie.
« Nous verrons des applications significatives de thérapies géniques ou cellulaires dans un délai de trois à cinq ans », indique Pierre Legrain.
Statut différentPas de doute, le CEA tisse sa toile dans les sciences du vivant, sous l'oeil bienveillant du gouvernement qui pousse ce candidat, dont le statut est différent de celui des autres établissements de recherche publique (*). L'an dernier, le CEA a hérité de deux joyaux : le Centre national du séquençage et le Centre du génotypage d'Evry. Une décision administrative qui lui a ouvert les portes prometteuses de la génomique.
« Ce sont les responsables de ces centres qui ont choisi le CEA. Ce n'était pas absurde, car nous avons l'habitude de faire de la biologie industrielle à grande échelle. Nous nous sommes engagés à maintenir l'évolution de ces outils et nous allons investir 25 millions d'euros dans cette opération, qui sert à toute la communauté scientifique française », conclut Pierre Legrain, qui reconnaît que le CEA
« sait s'y prendre pour discuter avec les pouvoirs publics ».ALAIN PEREZ